Au tout début, il y eut le trial et il fit le bonheur de nombreuses générations de motards qui trouvèrent dans sa pratique, la liberté, la nature, l’effort et la nécessité de technique.
À cette belle époque l’enduro n’était que l’ombre du trial. Mais aujourd’hui, et depuis de nombreuses années, c’est l’inverse : l’enduro résiste bien dans un monde qui lui est cependant de plus en plus hostile, tandis que le trial lutte pour sa survie.
Récit d’une mort programmée ?
À la base, l’enduro a un avantage énorme sur le trial, c’est qu’il n’est nul besoin de beaucoup de technique pour le pratiquer. Attention, je ne parle pas de le pratiquer en compétition, et encore moins à haut niveau ! Non, je parle de la pratique « basique » qui consiste à chevaucher sa moto d’enduro et de partir rouler à son rythme dans les chemins. Chemins faciles au début et dont l’enduriste aura tout le loisir de faire monter le niveau de difficulté(s) au fur et à mesure de sa progression.
Voilà le premier point important : il suffit de savoir démarrer la moto, passer les vitesses, freiner et roule mon pote … on s’éclate !
En trial, si la base nécessaire est identique (savoir démarrer la moto, passer les vitesses, freiner) pour qui veut véritablement sortir des chemins battus, pour « zoner », cela même à petit niveau, il est impératif d’acquérir très vite un minimum de technique, sinon on reste en bas des marches, on redescend les grosses montées plus vite qu’on n’a pas atteint son sommet, on pose un pied dans chaque virage et je passe sur tout ça si le terrain est … gras ! Bref, il faut user de patience et de beaucoup de persévérance car, pour la plupart d’entre nous, assimiler cette technique n’est pas chose aisée.
Le véritable plaisir en trial ne vient que bien plus tardivement à contrario de celui que l’on ressent en enduro. Aussi, au fur et à mesure de l’évolution de nos sociétés, qui prônent davantage la facilité face à l’effort, l’égoïsme plutôt que l’abnégation, notre sport s’est délité au fil des années, car il est en décalage par rapport à l’attitude de vie de la majorité de la population. Et comme dans tout sport moins la base a de pratiquants, moins le haut niveau se remplie de talents … ceci explique cela : on peine à sortir de nombreux champions potentiels.
Cependant tout ceci n’est pas arrivé en un jour, aussi notre sport aurait pu mieux se préserver, mais d’autres facteurs externes sont venus le lester et accélérer sa descente aux enfers.
Une de ces raisons certains l’attribuent à la trop importante radicalisation de nos motos de trial, qui sont devenues de plus en plus performantes, de plus en plus « pointues ». Pour ma part je ne partage pas cet avis, mais je le respecte car je ne crois pas être en possession de l’ultime vérité. Ce que je mettrai en avant pour contrer cet argument c’est le manque constaté de réussites commerciales de toutes ces motos de trial proposées par de nombreuses marques. En effet motos qui étaient moins radicales et davantage orientées randonnée, petit trial n’ont que très rarement atteint leurs objectifs … Cependant, il est très probable que trop de technicité de nos motos ait pu en désorienter plus d’un.
Ensuite il a y eu l’accroissement des villes au détriment des campagnes. Cela ne veut pas dire seuls ceux qui vivaient hors des centres urbains pratiquaient le trial, mais il est clair que d’ouvrir la porte de son garage, de sortir la moto, de la démarrer et en quelques secondes se retrouver en pleine nature, est davantage favorisant que lorsqu’on habite en ville, qu’il faut charger la moto sur la remorque et se rendre là où la pratique était possible.
Autre raison, la fameuse loi … Lalonde du 3 janvier 1991. Si au départ on avait l’impression que tout le monde était concerné (enduristes et trialistes) très vite le fait que les enduros roulent dans des chemins, qui sont des voies de circulation, tandis que le trialiste doit s’extirper de ceux-ci pour pratiquer son art, a contribué à une préférence pour la légalité. Cela a rendu la pratique de notre sport bien plus compliquée et tout particulièrement dans les zones péri-urbaines.
Au final, au fil du temps passé, l’enduro a su résister, attirer davantage de pratiquants, « basiques », tandis que dans le même temps le trial voyait le nombre de ses pratiquants régresser.
Certains signes ne trompent pas : nombre de concessionnaires trial en France, nombre de clubs ayant une section trial, nombre de compétitions organisées sur le sol Français, nombre de motos de trial vendues => tous ces chiffres sont à la baisse.
Certes, tout n’est pas totalement noir, car s’il reste moins de concessionnaires trial, les « survivants » sont certainement les meilleurs. De plus, si les ventes se sont écroulées par rapport à il y a une vingtaine d’années, on constate depuis 2019 un frémissement à la hausse, tandis que le marché de l’occasion se porte plutôt bien. Enfin, sportivement, certaines régions de France s’en sortent encore très bien. Mais globalement ce n’est pas très bon.
Enfin il y a une part de responsabilité de nos instances sportives : la FFM et la FIM.
La FFM, parce qu’elle n’a pas du tout anticipé quoi que ce soit, qu’elle s’est endormie sur ses lauriers et qu’elle n’a pas su se régénérer par l’apport réel de sang neuf dans ses rangs : nombre de ceux qui avaient pensé apporter de nouvelles idées à la Commission trial, l’ont quittée car ils n’avaient ni réelle écoute, ni marge de manœuvre, le système étant sclérosé de l’intérieur.
Pour la FIM c’est assez différent car les problèmes du trial de très haut niveaux sont réellement apparus avec l’arrivée de Thierry MICHAUD à la tête du trial mondial. Attention, je n’ai aucun grief personnel envers Thierry MICHAUD que j’ai admiré, adulé du temps de sa magnifique carrière sportive parsemée de splendides titres de Champion du Monde et de France. Ce n’est pas l’homme que je juge mais son action à la FIM et là c’est … catastrophique ! En effet, alors que tous les sports évoluent vers la modernité, avec Thierry MICHAUD et la règle du non-stop en mondial, c’est retour dans le passé. L’intention était probablement louable (ne pas aller vers la surenchère dans les difficultés imposées aux meilleurs trialistes du monde), mais le bilan n’est pas au rendez-vous et ce que l’on peut regretter amèrement c’est son entêtement sans limite.
Bilan, si certains sports font rêver la jeunesse, par leur fun, l’adrénaline qu’ils génèrent et/ou une magnifique technique, les non-initiés regardant des vidéos du mondial de trial ne voient que des mecs qui roulent et attaquent de gros rochers, mais ils ne perçoivent pas vraiment tout le talent nécessaire pour vaincre ces zones … Bref ils n’ont pas les yeux qui brillent devant notre sport.
En enduro c’est différent, car, certes, si sur une spéciale de mondial la qualité technique n’est pas facile à discerner par le néophyte, la notion de vitesse est abordable par tous, donc favorable à l’engouement pour cette discipline.
Bilans sportifs.
Si on fait un bilan du Championnat de France d’enduro 2021 (et je ne vais par parler des autres pratiques avec des motos d’enduro), on constate que 13 catégories sont proposées aux pilotes : E1, 2 & 3, Junior 1, 2 & 3, Nationaux 1, 2 & 3, Espoirs, Féminines, Vétérans et Super Vétérans. En jeune il n’y a donc que les Juniors : les catégories plus jeunes sont traitées dans d’autres championnats, comme l’ENDURO KID.
À l’issue du Championnat de France d’Enduro 2021 : 307 (!!) pilotes ont marqué des points ! E1 6, E2 23, E3 9, J1 12, J2 10 J3 8, N1 37, N2 42, N3 32, Espoirs 32, Féminines 18 (!!), Vétérans 37 et … Super Vétérans 41 !!!
Enfin à mettre au crédit de l’enduro, un promoteur qui gère de façon fantastique le Championnat de France : Jean-Luc MIROIR est vraiment formidable. Passionné, présent, efficace, ouvert.
Face à ce Championnat de France d’Enduro voici le Championnat de France de Trial avec ses 14 catégories : Élite, Expert, S1, E1, Open, S2, Élite Féminin, E2, TF1, E3, TF2, E4, Vétérans et Critérium (donc toutes les catégories jeunes contrairement à l’enduro où seuls les Juniors sont présents).
À l’issue du Championnat de France de Trial 2021 : 164 pilotes ont marqué des points. Élite 6 dont 2 pilotes espagnols, Expert 6, S1 9, E1 2, Open 16, S2 26, Élite Féminin 4, E2 14, TF1 3, E3 20, TF2 2, E4 12, Vétérans 16, Critérium 28
MAIS, contrairement à l’enduro, certains pilotes du Championnat de France de Trial sont classés dans 2 catégories, comme le S1 et le E1, le S2 et le E2 … et donc si on se met au niveau de ce qui se passe en enduro, et qu’on prend en compte ce paramètre, à paramètres identiques, ce ne sont plus 164 pilotes qui ont marqué des points mais 148 … Et dans un cas comme dans l’autre, on est très loin des 307 enduristes, uniques dans chaque catégorie, qui ont marqué des points.
Autre point flagrant c’est celui lié aux catégories féminines : une seule en enduro avec 18 filles ayant marqué des points tandis qu’en trial il y 3 catégories et 9 filles.
Maintenant place au mondiaux de ces deux disciplines. Le Championnat du Monde de Trial n’est fort (en 2021) que de 6 catégories : TRIAL GP, T2, T125, TRIAL GP WOMEN, WOMEN, TRIAL-E. Au total en 2021 98 pilotes ont marqué des points sur notre mondial de trial. Soit une moyenne d’à peine plus de 16 pilotes par catégorie.
À contrario le mondial d’enduro est plus étoffé, en terme de catégories, puisqu’on en dénombre par moins de 14 (j’ai ôté la catégorie JUNIORS puisqu’elle reprend les pilotes des J1 & J2). Au total 320 pilotes ont marqué des points, soit une moyenne de presque 27 par catégorie.
Et je ne vous parle que brièvement de la couverture médiatique de l’enduro, qui est diffusé dans un nombre très important de pays dans le monde.
On le voit bien à travers ces exemples et ces chiffres, malgré le fait que l’enduro soit plus bruyant, plus destructeur de terrain (mais les clubs organisateurs remettent en état ce qui a été abimé), il est par ailleurs plus médiatique, plus prisé et bien plus pratiqué.
De plus l’enduro a su se diversifier avec la création de nouvelles pratiques comme l’extrême, les prairies etc. permettant aux enduristes de s’exprimer dans ce qui leur correspond le mieux. Le trial quant à lui a vu Bernard ESTRIPEAU tenter une diversification avec l’OPENFREE. Et ce n’est pas faute de s’être beaucoup (énormément) investi dans cette autre approche du trial de la part de son inventeur et promoteur. Pourtant la greffe n’a pas trop pris : peut-être était-il trop tard (l’engouement pour le trial était déjà derrière) ou trop tôt ?
Tout ceci explique pourquoi l’enduro résiste dans un monde hostile, et la meilleure preuve qu’il a de l’avenir c’est qu’une grande marque de moto comme TRIUMPH va sortir une gamme de motos d’enduro et rejoindre la compétition de haut niveau dès 2023.
Le trial quant à lui tente de survivre.
Faire remonter le trial demande une profonde et sincère remise en question de ceux qui en détiennent les clefs … un travail de fond, de longue haleine, bref ce que de nombreux sports ont réussi … mais pas nous !
Pour cela il ne faut pas hésiter à s’inspirer de ce qui fonctionne bien ailleurs … Encore faut-il en avoir la volonté … Et pourquoi pas en lorgnant sur ce que fait très bien notre cousin vert : l’enduro.